3 façons de réinventer le packaging - tel que nous le connaissons
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Si vous vivez dans le monde moderne et industriel, vous voyez et touchez des emballages tous les jours : lorsque vous faites vos courses, que vous préparez à dîner, etc. Or bien qu’il soit un objet avec lequel nous interagissons presque constamment, l'emballage est souvent perçu comme un déchet après avoir rempli ses fonctions, que ce soit contenir, protéger ou transporter.
Parmi les différents matériaux d'emballage, le plus controversé et le plus problématique est le plastique. Aujourd'hui, le monde produit 400 millions de tonnes de déchets plastiques par an. Environ 36 % de tous les plastiques sont utilisés dans l'emballage. Cela comprend notamment les emballages en plastique à usage unique pour les contenants d'aliments et de boissons, dont environ 85 % finissent dans les décharges ou comme déchets non réglementés dans le monde.
Cette réalité ne sera bientôt plus tolérée par les clients et les régulateurs. Selon une enquête réalisée par DS Smith, fabricant d'emballages britannique, 81 % des clients ont déclaré que la durabilité environnementale des emballages leur importait, à tel point qu'environ 40 % d'entre eux seraient prêts à payer plus cher pour cela. Au sein de l’UE, les propositions de règlementations sur les emballages visent à imposer des lois plus strictes aux acteurs de ce secteur (ex : Directive 94/62/CE relative aux emballages et aux déchets d’emballages).
Alors que la tendance s'accentue, les fabricants d'emballages sont confrontés à un défi de taille : réinventer l'emballage tel que nous le connaissons aujourd’hui.
Réduction
Aujourd'hui, lorsqu'il s'agit de réduire les impacts négatifs des emballages sur l'environnement, les deux pratiques les plus courantes employées par les entreprises sont : la réduction et la substitution de matériaux.
La réduction peut signifier la réduction du poids, l'utilisation de moins de matériaux pour une unité d'emballage ou la suppression des emballages inutiles. Cette pratique est très prometteuse pour réduire l'impact environnemental, mais uniquement dans le cas d’une réduction radicale. Par exemple, diviser par deux le poids des bouteilles en verre et la quantité de matières premières vierges utilisées revient à diviser par deux les émissions de CO2 correspondantes.
Pourtant, cette pratique est actuellement sous-exploitée : les entreprises visent une optimisation à un chiffre. Par exemple, le producteur de champagne Telemont travaille sur une réduction de 4% du poids de sa bouteille de champagne. Or son objectif est de réduire de 80% ses émissions totales. Il est clair que le calcul n'est pas bon : une réduction de poids inférieure à 10% est sans aucun doute insuffisante pour atteindre les objectifs ambitieux de Net Zero.
Pour exploiter pleinement le potentiel de la réduction et obtenir de vrais sauts de performance environnementale, les entreprises doivent viser une réduction de 40 à 60 % des matériaux. Cette réduction radicale implique de réinventer le produit et le processus de fabrication.
Nous avons par exemple réussi à atteindre ce niveau de réduction radicale avec un client fabricant européen d'emballages de produits alimentaires. Et de fait : le nouveau contenant alimentaire n'aura pas exactement la même forme, et la façon dont les clients interagissent avec lui changera également. Ce passage de la simple optimisation à 1 chiffre à la réinvention à 2 chiffres a révélé des angles morts dans la stratégie d'innovation et les investissements de notre client : il est en effet possible de créer de nouveaux contenants alimentaires désirables tout en réduisant de 30 % à 40 % les émissions totales - chiffres qu’ils n’avaient pas réussi à atteindre auparavant.
Ainsi, la réduction radicale peut être un levier puissant et contribuer à réduire de 50 % l'impact environnemental de l'emballage. Cependant, elle n'est pas suffisante pour atteindre les objectifs environnementaux et doit être complétée par d'autres leviers à fort potentiel.
Substitution
Une autre option intéressante est la substitution de matériaux. La substitution consiste à remplacer des matériaux non recyclables par des matériaux recyclables ou biodégradables, par exemple en remplaçant le plastique de certains emballages alimentaires par du carton recyclable.
Cette pratique est plutôt vertueuse puisque nous n'extrayons plus rien de la terre mais collectons et réutilisons les mêmes matériaux à l'infini. Cette boucle fermée qui n'inclut pas l'extraction et la transformation des matériaux permet également une énorme économie d'énergie sur ces deux activités.
La substitution d'un matériau par un autre plus respectueux de l'environnement s’accompagne toutefois de plusieurs difficultés.
Dans un précédent article sur l'éco-conception, nous avons évoqué le fait que substituer des matériaux tout en conservant les mêmes logiques de conception du produit mène à une impasse : superposer contrainte sur contrainte autour d'un emballage donné impose peu à peu de proposer une solution dégradée et plus coûteuse sans valeur ajoutée.
C'est pourquoi il est important d'explorer les nouveaux usages, les nouvelles valeurs et logiques de conception offertes par les nouveaux matériaux.
Avec un leader mondial de l'emballage des produits alimentaires par exemple, nous avons développé une nouvelle norme d'emballage pour remplacer l'emballage plastique par une alternative plus facilement recyclable, tout en offrant une toute nouvelle façon de cuisiner les aliments à la maison.
Cela dit, le recyclage n'est pas sans impact sur l'environnement. Pour aller au bout de la réinvention de l'emballage, les entreprises peuvent opter pour le réemploi. L’emballage n’est dans ce cas plus considéré comme un déchet mais comme un véritable produit qui ne peut être jeté après usage.
Réemploi
Imaginez un monde où vous achetez un vélo, vous l'utilisez un jour pour aller au travail et, à la fin de la journée, vous le jetez. Cela semble fou, mais c'est exactement ce que nous faisons tous les jours avec les emballages. Et si nous changions ce paradigme en considérant l'emballage comme un produit à part entière, ayant sa propre valeur, indépendamment du produit qu'il contient ?
Une fois de plus, le concept de réutilisation n'est pas nouveau. Dans l'Antiquité, la réutilisation de récipients alimentaires tels que les pots à vin et à fromage était une approche populaire de l'emballage alimentaire. L'émergence du plastique, associée à l'ère de la surconsommation, a donné naissance au concept d'emballage jetable. Paradoxalement, il a fallu éduquer les consommateurs à jeter après usage et les inciter à mettre leur gobelet à café à la poubelle par exemple, aussi étrange que cela puisse paraître. Le défi aujourd'hui, dans cette ère émergente de durabilité, est de défaire ce qui a été fait et de revenir au paradigme de la réutilisation des emballages.
La première option est le vrac : le client apporte et remplit son propre emballage réutilisable dans le magasin.
Ce système existe déjà dans certains magasins ou est testé dans le cadre de projets d'expérimentation, mais reste anecdotique dans l'ensemble. En France, par exemple, le vrac ne représente actuellement que 1 % de la consommation. Cependant, l'article 23 de la loi "Climat et résilience" impose aux supermarchés de proposer 20% des produits en vrac d'ici 2030. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir.
La deuxième option consiste à construire un système de réutilisation des emballages, dans lequel le client rend l'emballage une fois utilisé. Cela soulève plusieurs questions : si les contenants alimentaires doivent être récupérés et réutilisés, qui s'en chargera ? Quel est le processus de collecte et de nettoyage ? Quelle est l'incitation pour les utilisateurs à adopter cette pratique ? et pour les entreprises à la concevoir ?
En Europe, cette pratique peut être illustrée par le cas du système Pfand en Allemagne, qui consiste à payer une consigne lors de l'achat de certains produits (bouteilles de bière, canettes en aluminium, bouteilles en plastique, etc). Mais contrairement à la France, le réemploi est resté le modèle dominant en Allemagne depuis toujours.
Le défi majeur est de reconstruire toute la chaîne de valeur du réemploi et de changer les habitudes de consommation. En France, la startup Pyxo par exemple vise à construire une infrastructure pour les emballages réutilisés. Elle fournit les contenants, gère le processus de collecte et de lavage et réinjecte les contenants dans la chaîne de fabrication du client. Et le plus intéressant est la façon dont nous abordons le changement de comportement des utilisateurs avec eux, sur la base d'un nouveau modèle commercial participatif : les consommateurs financent les contenants et, à chaque cycle de réutilisation, reçoivent des intérêts. Ils deviennent ainsi les ambassadeurs du programme et promeuvent la réutilisation des contenants.
Conclusion
L'industrie de l'emballage doit s'éloigner de l'idée reçue selon laquelle l'emballage est un déchet. Pour relever le défi de l'emballage, il faut le considérer comme un produit ayant une valeur spécifique. Comme tout produit, il doit utiliser un minimum de matériaux, à faible impact, et être conçu pour durer le plus longtemps possible.
Les trois leviers pour y parvenir - réduction, substitution et réemploi - sont bien connus, mais ils sont loin d'être pleinement exploités. Pour obtenir des résultats radicaux, il faut réinventer radicalement l'emballage et sa chaîne de valeur.
En effet, il n'est jamais facile pour les fabricants d'emballages établis de réinventer leurs processus de fabrication, la conception de leurs produits, leurs réseaux de distribution, etc. Mais ce n'est pas une excuse pour ne pas réimaginer, repenser et réinventer. Lancer des projets pilotes, tester différentes hypothèses et en transposer les meilleures solutions à plus grande échelle - l'une après l'autre, voici les étapes à suivre pour l'industrie de l'emballage, qui n'a pas été remise en question au cours des 50 dernières années et ne subit qu'aujourd'hui la pression des nouvelles lois et réglementations.